Les Impatientes de Djaïli Amadou Amal

Les Impatientes/ Djaïli Amadou Amal.- J'ai lu, 2020
Les Impatientes/ Djaïli Amadou Amal.- J'ai lu, 2020

"Patience mes filles ! Munyal ! Intégrez-la dans votre vie future. Inscrivez-la dans votre coeur, répétez-la dans votre esprit. Munyal ! Telle est la seule valeur du mariage et de la vie. Telle est la vraie valeur de notre religion, de nos coutumes, du pulaaku. Munyal, vous ne devez jamais l'oublier. Munyal, mes filles ! Car la patience est une vertu." 

 

Munyal ! Un mot que les jeunes filles camerounaises entendent dès leur naissance. L'auteur Djaïli Amadou Amal n'y fait pas exception. Née en 1975, peul et musulmane, elle s'intéresse très tôt à la littérature qu'elle découvre par hasard chez une amie. Dès lors, elle ne cesse de lire et comprend que le mode de vie immuable de la société camerounaise n'est pas universelle. D'autres destins sont possibles surtout pour les petites filles et les femmes. 

Le projet de faire des études et d'écrire fait alors son chemin et quelques années plus tard et après un parcours de vie difficile, Djaïli devient une femme engagée pour porter la voix des femmes du Sahel. 

 

Les Impatientes a reçu le prix Goncourt des lycéens 2020. 

 

 

Résumé - impressions :

 

Ramla, 17 ans et sa soeur Hindou écoutent les paroles de leur père. Ce double mariage est un arrangement entre familles. Toutes les épouses, les oncles sont réunis. Les belles familles attendent à l'extérieur que les futures mariées sortent de l'appartement de leur père. Ramla doit se marier à un homme riche de cinquante ans, déjà père grâce à sa première épouse, Safira. Par le fait, elle doit renoncer à ses études de pharmacie et à son prétendant Aminou, un ami de son frère qui avait demandé sa main en premier. Hindou, quant-à-elle doit épouser son cousin Moubarak mais les brèves fois où ils se sont vus, il n'a inspiré que de la peur à Hindou. La fête bat son plein et les deux mariées se ressentent qu'une immense détresse...

 

Tout Camerounais se doit de respecter le pulaaku, un ensemble de règles qui régit la société et fait que l'on n'éconduit jamais un prétendant à sa fille. On lui demande d'être patient ou la demande est acceptée. Ici le mariage forcé des jeunes filles est abordé sans détour. 

Inspirée de sa propre vie, Djaïli Amadou Amal construit un récit choral autour de trois destins de femmes : Ramla, Hindou et Safira. Toutes les trois sont ou ont été mariées de force et ont subi les chantages, les humiliations, la honte, les violences conjugales, les viols, la peur de décevoir et surtout la consigne d'être patientes. Mais Ramla, Hindou et Safira ne veulent pas être patientes et accepter cette situation. Seront-elles faire évoluer leur conditions de femme ? d'épouse ? de seconde épouse ? Safira acceptera t-elle de partager son mari ?

 

L'écriture nous plonge instantanément dans la culture africaine. Les rites, les traditions nous sont expliqués nous permettant de comprendre les mécanismes qui régissent la société et l'importance de la polygamie et son système de concessions. Le père et les oncles ont un rôle patriarcal, leur parole est d'or et les intérêts de la famille proche ou élargie prévaut. Les mères et les tantes sont complices de la tradition, revivant à chaque fois leur propre destin aux sons des youyous et des pleurs. Mais Munyal ! Seul conseil donné par les femmes pour être une bonne épouse.

 

Djaïli Amadou Amal a réussi à échapper au sort que la société camerounaise lui réservait, pour s'engager pour les droits des femmes "auxquels [elle] consacre désormais, et plus que jamais [sa] vie". 

 

 

Pour aller plus loin :

 

Coeur du Sahel

 

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